Comment retrouver son pouvoir et son autonomie face à une colère qui peut se transformer en violence si elle est dirigée directement contre l’autre ?
Comment retrouver la connexion à soi et à l’autre lorsque l’on est la cible de la colère de quelqu’un ou que l’on est soi-même énervé? Comment y faire face et quel est son sens ? Peut-on lui résister ?
Dans cet épisode, nous explorerons à travers une situation concrète, comment reprendre la responsabilité de cette émotion grâce à la Communication Non Violente.
Transcription de l’épisode
Je crois que c’est un sujet que j’affectionne tout particulièrement. J’ai souvent associé la colère à de la violence et je dois dire que mon cerveau continue à trouver désagréable, voire insupportable d’être prise à partie et de me retrouver la cible de la colère de quelqu’un. Aujourd’hui, j’ai bien conscience qu’il est préférable de ne pas cracher sa colère sur quelqu’un, mais la fatigue n’aidant pas- j’ai deux enfants en bas âge- c’est parfois difficile. J’avoue qu’il m’arrive encore de tomber dans ce travers. Non pas qu’être en colère soit une tare. Etre en colère c’est plutôt une émotion saine qui indique que vos besoins ne sont pas nourris, ne sont pas entendus, mais décharger notre colère nous coupe de l’autre et de nous même, Nourrit le conflit plutôt que de l’apaiser.
D’ailleurs je reprends les termes de Marshall Rosenberg,le fondateur de la communication non violente : « Si nous souhaitons exprimer pleinement la colère, le premier pas, est de décharger l’autre de toute responsabilité de notre colère afin de porter notre entière attention sur nos propres sentiments et besoins ». Et on a bien plus de chance d’obtenir ce qu’on souhaite en exprimant nos besoins qu’en jugeant, en critiquant ou en punissant l’autre.
L’idée est de prendre la responsabilité de cette colère mais ce n’est pas forcément évident. Et souvent, ou presque toujours, les pensées sont à l’origine de la colère et c’est comme si ces pensées devenaient la réalité. Ou du moins, je finis par croire que ces pensées sont la réalité.
Dans mon histoire familiale, j’ai eu un père qui élevait la voix, était souvent en colère et qui parfois nous terrorisait ma sœur et moi. Il paraissait hors de lui lorsqu’il était traversé par l’émotion de la colère et j’ai donc développé une fascination en même temps qu’une crainte face à cette émotion. Et je me suis demandé, comment faire face à cette émotion ? Peut-on lui résister ? Comment retrouver son pouvoir et son autonomie face à cette émotion qui peut se transformer en violence si elle est dirigée directement contre l’autre.
.
J’aimerais vous raconter une situation dans laquelle j’ai pu expérimenter une transformation. Et comment finalement je suis passée d’une forme d’impuissance à la reprise de mon pouvoir sur la situation :
Je suis enceinte à cette époque-là de 7 mois. Mon fils de trois ans est à l’arrière de la voiture. Nous sommes de retour de vacances, avec mon conjoint sur l’autoroute. Depuis la veille, mon conjoint est assez silencieux. et je lui demande dans la voiture s’il se passe quelque chose. Là, il explose. Il me dit en criant, qu’il avait besoin de temps pour lui ces derniers jours et qu’il voulait être seul et que j’aurais dû deviner son besoin, le laisser avoir du temps pour lui. Qu’après tant d’années je devais être capable de deviner ses besoins. (Donc ça c’est un élément évoqué dans la CNV. Ce qui provoque parfois des conflits, c’est qu’on attend de l’autre qu’il devine nos besoins sans même les lui avoir partagés. Mais l’autre n’est pas devin. Si on n’exprime pas ce dont on a besoin et si on ne formule pas des demandes, Pour l’autre, effectivement, c’est quasiment impossible ou en tout cas difficile de les deviner. )
Donc voilà, il explose. Et là, je suis dans la voiture et je sens la colère monter en moi. La pensée qui me vient est « je suis prise en otage dans l’habitacle de cette voiture où je ne peux pas échapper à ces cris » Et plus j’entends ces cris, plus cette pensée m’accable. Je me sens démunie…Comme si je perdais mon pouvoir. je me vois lui crier en retour. C’est à dire retourner la violence sur lui. Finalement, nous nous disputons. Je lui demande de s’arrêter à la prochaine aire d’autoroute, enfin, nous nous arrêtons. Je sors acheter un pique-nique pour le déjeuner. Et là j’essaie de me reconnecter à moi.
Je sens une énorme tension dans ma gorge et une crispation dans tout mon corps. Je vois les pensées qui défilent dans ma tête: « je refuse d’être une victime. Je refuse. Il n’y pas moyen/c’est hors de question. Je veux retrouver mon pouvoir. Et je refuse d’être passive face à ces cris. Et en même temps, je sais que lorsque la colère m’envahit et se déploie sous forme de cris, de critiques, de jugements, les chances pour retrouver la paix et mon espace intérieur s’amenuisent.
Je repense à la Communication NonViolente. Je repense à mon désir de paix. A cette idée que pour le combler, il y a 1000 stratégies possibles. Et cette pensée me porte. Je me dis que c’est possible. Que même dans cet habitacle avec des cris et de la tension, il doit être possible de retrouver mon espace et ma paix intérieure.
Et là, me vient une idée simple, une stratégie simple.
Simplement, mettre mes écouteurs, écouter de la musique, m’isoler, me connecter à quelque chose qui me fait du bien et m’apaise. Et c’est ce que je fais à mon retour dans la voiture. Mon compagnon est toujours en colère mais cette fois, en mode silencieux.
Et tandis que je me plonge dans la musique et je retrouve peu à peu la paix, la tranquillité intérieure.
Après 1h30 de silence, mon compagnon met sa main sur la mienne et petit à petit, nous retrouvons le dialogue et la connexion depuis un espace beaucoup plus paisible. Et je ressens à ce moment-là beaucoup de fierté d’être sortie de ce cycle de violence. Ou du moins c’est comme ça que je le vivais. J’entends par cycle de violence, répondre à la violence par la violence. En fait, en général c’est l’escalade et vous obtenez un résultat désastreux.
Dans cette situation, tout en sortant du rôle de victime, j’ai le sentiment d’avoir retrouvé mon pouvoir. Surtout d’avoir retrouvé ma liberté, mon autonomie.
Et je me dis que c’est donc possible.
Mon invitation ici, dans une situation où vous ressentez de la colère, où dans laquelle vous êtes la cible de la colère de quelqu’un est de vous encourager à trouver un espace (soit physique par exemple un lieu dans lequel vous vous sentez en sécurité soit intérieur comme dans mon anecdote) pour vous reconnecter à vous, pour accueillir les pensées, les jugements et les sensations qui vous traversent ; Puis d’essayer de vous relier à ce que vous rêvez de vivre dans cette situation, ce qui est vraiment important pour vous. C’est déjà énorme, et ça vous permettra de souffler un instant. Puis, selon l’urgence de prendre soin de ce besoin, pourquoi ne pas penser à une ou plusieurs actions qui vous conviennent vraiment pour vous approcher de cette situation idéale.